Si le terme Ligne Maginot est aujourd’hui synonyme de rempart de carton, il n’en est pas moins que contrairement à l’une des idées reçues la concernant, la ligne Maginot a bien rempli sa mission. Ces quelques lignes n’ont pas la prétention de refaire l’Histoire de France. Vous y trouverez simplement des points repérés, des faits et des informations destinés à combler les lacunes volontaires qui ont succédé à la défaite de 1940, et maquillé cette partie de notre Histoire.
En guise d’introduction, nous vous proposons ci dessous le texte intégral de l’article écrit par le Général d’Armée Albéric VAILLANT, commandant de l’ouvrage de l’Einseling (Moselle) en 1940. La lecture de cet article daté de décembre 1998 pourra sembler longue, mais il constitue la meilleure mise au point concernant la Ligne Maginot et son rôle en 1940.
LIGNE MAGINOT et 1940
Cet article a été publié sous l’égide de l’Association Nationale des Anciens Combattants de la Ligne Maginot 1939-1940. Les rajouts ou commentaires figurant en italiques ne sont pas dans le texte d’origine, mais parfois nécessaires à la clarté et la compréhension des propos de l’article. Beaucoup de ceux qui cherchent les raisons de la défaite de 1940, prennent la Ligne Maginot comme tête de turc et l’accusent de tous les maux. Elle aurait absorbé les crédits militaires qui nous auraient donné chars et avions en quantité. Elle aurait été responsable de l’illusion selon laquelle elle assurait la sécurité totale à toute la France. Elle aurait accrédité l’idée d’une défensive uniquement statique. Ayant servi dans cette ligne de 1937 au 2 juillet 1940, je ne peux adhérer à de tels jugements. Je ne crois pas la Ligne Maginot au dessus de tous reproches et j’en fais ci dessous une critique que je n’ai jamais trouvé ailleurs. Mais cette critique ne l’accuse pas. Elle la montre comme une victime d’un état d’esprit assez général qui l’a confiné dans un rôle de barrage alors qu’elle aurait tout aussi bien pu être un tremplin.
I – LE PRIX DE LA LIGNE MAGINOT ET LES CHARS
Il est évident que si l’on avait consacré le prix de la ligne Maginot à construire des chars, nous en aurions eu d’avantage. Mais d’abord, de quelle somme s’agirait-il ? Croit t-on vraiment qu’elle aurait servi à faire des chars ? Était on vraiment démunis de chars ?
Le prix officiel de la ligne Maginot est bien connu : 3.2Mrds dont 400 millions provenant de surplus par le ministère Painlevé et 2.8 Mrds votés par la Chambre à la demande d’André Maginot.
Les détracteurs font valoir que le prix, plus ou moins directement, a été très supérieur sans pour autant donner d’évaluation. Mr Bruge n’aurait pas reculé devant une question aussi importante que le financement car il a écrit cinq gros livres très objectifs sur la Ligne Maginot. Il ne voit pas matière à argumenter sur des dépassements excessifs. Les anciens que nous sommes n’ont qu’une vue très superficielle de la question, mais ils se rappellent les économies, les travaux réalisés par la main d’œuvre militaire, les jours dits de « sonnette » pour planter le champ de rails anti chars sur des centaines de kilomètres. Le minuscule ouvrage que je devais commander (Einseling, 66 hommes) devait comprendre 2 blocs. Les crédits manquant, on en supprima un et l’on modifia celui déjà en construction. Mais il fallait rester « dans l’enveloppe », expression qui revenait souvent. La somme de 3.2 mrds était importante, même étalée sur 10 à 15 ans, mais elle n’était pas écrasante et c’est une mauvaise querelle que de la multiplier. On se bercerait d’illusions en pensant que l’économie de la Ligne Maginot aurait été au bénéfice des chars et des avions. Dans les débats houleux qui ont finalement donné raison à André Maginot, l’on chercherait vainement une contre proposition pour une meilleure défense à base de chars et d’avions. Un opposant résume assez bien l’opinion de l’opposition en disant : »Dans nos familles, quand la prime d’assurance est trop forte, on ne s’assure pas ». Autrement dit, ne rien faire du tout … On sait aussi le peu d’écho que trouvait le général de Gaulle en publiant « Vers l’armée de Métier », tant parmi les médias que dans les milieux politiques et militaires, mais pour des raisons différentes. Pour les uns, la guerre éclair et l’engagement des chars en masse faisait agressif, et l’armée de métier suspecte. Pour les autres, l’engagement des chars au devant de l’infanterie ne répondait pas aux leçons de 14-18. Les deux bords se trouvaient d’accord pour ne pas donner suite au projet de Corps Blindés à 100.000 hommes dont trois divisions blindées préconisées par l’auteur. Une évolution devait se faire en faveur de la guerre-éclair, mais trop tardive, surtout aprés1938 et les provocations hitlériennes.
Mais contrairement aux idées reçues, nous n’étions pas démunis de chars comme on le laisse entendre. Nous en avions autant que l’Allemagne et d’excellents, surtout avec l’appoint britannique.
Au début du conflit, nous continuions à en vendre, non seulement à la Pologne, mais aussi à la Turquie, la Roumanie… A croire que nous en avions trop. D’ailleurs, la campagne de Belgique n’a pas été improvisée en surprise. L’hypothèse existait depuis longtemps, étudiée et préparée. Si la faiblesse quantitative des chars avait été patente, l’entrée en Belgique n’aurait pas été jugée possible. Au total sur le plan des crédits, n’incriminons pas la ligne Maginot, elle n’a pas empêché la France d’avoir des chars, et l’on estimait à l’époque ceux ci en quantité suffisante.
II – LIGNE MAGINOT ET ILLUSIONS
Il est vrai que médias et hommes politiques célébraient à l’envi la sécurité absolue procurée à la France entière par la ligne Maginot. Au 146éme Régiment d’Infanterie de Forteresse (R.I.F.), ou je débutais en 1937 , le discours que l’on nous tenait était plus réaliste. On nous disait ceci : « Ce que l’on craint , c’est l’attaque brusquée , par surprise , en pleine paix , venant directement d’Allemagne sur notre frontière du nord-est , empêchant notre mobilisation et nous mettant devant le fait accompli. Ce que l’on vous demande , c’est donc d’alerter , d’arrêter et de tenir ( On nous précisait même pendant une quinzaine de jours , durée de la mobilisation ). Après quoi, ajoutait on, couvrez face à l’Allemagne. Grâce à vous , le haut commandement pourra disposer de toutes ses forces de manœuvre pour les engager là ou se manifestera la menace principale. » On ne nous a jamais raconté que la ligne Maginot à elle seule couvrait la France toute entière , ce qui aurait heurté le simple bon sens car nous savions bien que la ligne s’arrêtait à la frontière belgo-luxembourgeoise et qu’au delà jusqu’à la mer s’ouvrait une brèche géante. A la question posée , on répondait : « Ceci n’est plus de votre domaine. C’est celui des forces de manœuvre selon la situation »
On restait donc évasif , mais on ne faisait pas mystère de ce qu’il y avait une hypothèse Belgique au cas ou Hitler violerait sa neutralité. On faisait valoir que ce serait alors une guerre ouverte mettant en jeu Belgique et Grande Bretagne à nos côtés . Ce ne serait plus l’attaque surprise nous visant seuls . On évoquait la résistance Belge, les forts de Liège, les Ardennes « imperméables aux chars », et le prompt secours de nos forces de manœuvre, mais, redisait on, « ce n’est plus votre domaine ». Ces exposés mettaient en évidence les deux directions possibles : Alsace Lorraine et Belgique et définissaient pour nous deux situations, celle du temps de paix et celle d’une guerre déclarée.
Dans le premier cas, la ligne Maginot tenait le premier rôle pour empêcher toute surprise et permettre la mobilisation.
Dans le second cas, si la direction d’attaque était la Belgique, le premier rôle passait aux forces de manœuvre, la ligne Maginot assurant la couverture de leur flanc face à l’Allemagne.
Une première erreur des détracteurs est de ne considérer le rôle de la ligne Maginot qu’à partir du deuxième cas, celui de la guerre déclarée. Ils ignorent ou laissent ignorer que de 1934 à 1939 , nous étions en état de conflit larvé. les régiments de forteresse étaient sur le pied de demi-campagne , pour reprendre le terme administratif ( entendu par là toutes les consignes et mesures d’alerte, de garde, de mise en état de défense rapide qui surchargeraient le service normal ) et assuraient la surveillance depuis la frontière jusqu’à la ligne d’ouvrages. Certains disent alors que c’était là du fantasme et que , dans les archives Hitlériennes, on ne retrouve pas la moindre trace du moindre projet dans ce sens. Faut il rappeler que la France est le seul des voisins attaqués par Hitler qui n’ait pas eu droit à l’attaque brusquée sans déclaration de guerre ? Rive gauche du Rhin, Tchécoslovaquie, Pologne, Belgique, Hollande, URSS ; tous y sont passés. Malgré toutes les raisons qu’avaient Staline et son KGB en 1941 de se méfier d’un allié aussi inattendu qu’Hitler , les troupes soviétiques ont été surprises et n’ont pas trouvé de point d’accrochage avant Moscou. Ou est le fantasme dans la menace Hitlérienne basée sur la surprise ? Nous savons bien, nous qui faisions notre service dans la ligne Maginot que la surprise n’était pas possible et avions de bonnes raisons de croire que justement , si l’attaque par surprise n’a jamais même été préparée, c’est parce qu’il y avait la ligne Maginot qui la rendait impossible. De 1934 à 1939 , la ligne Maginot a donc bien donné à la France une sécurité dont ne bénéficiait aucun des voisins d’Hitler. Ce n’est pas parce qu’elle n’en a pas tiré profit que le service rendu doit être nié ou sous-estimé. Ceux qui à l’époque faisaient état de cette sécurité avaient bien raison. Mais il ne voyaient pas le problème dans son ensemble, comme indiqué plus haut. Il en restaient à la situation de temps de paix ou de conflit larvé.
A Partir de septembre 1939, c’est à dire du conflit ouvert , qu’en a t’il été ? Pour ceux qui critiquent , l’attaque Hitlérienne par la Belgique était une évidence, et la Wehrmacht n’a eu que mépris pour la ligne Maginot. Ce n’est pas ce que me disaient d’anciens officiers de la Wehrmacht quand j’étais attaché militaire à Bonn. On peut discuter à perte de vue, et inutilement , sur la meilleure voie possible pour envahir la France depuis l’Allemagne. En 1870 , la voie Belge n’a pas été une évidence. En 1914, cette voie n’a pas amené la victoire Allemande et a été une grave défaite morale pour l’Allemagne. S’il n’y avait pas eu la ligne Maginot, je crois qu’Hitler se serait bien passé de la violation des neutralités Belge et Hollandaise, mais la discussion est sans intérêt puisqu’il y avait la ligne Maginot qui ne laissait pas d’autre possibilité à Hitler que la Belgique pour attaquer la France à moindre prix.
Il convient de souligner que que là ou l’attaque s’est heurté à un dispositif Maginot intact, l’échec a été complet. Le premier est l’attaque du 14 juin 1940 , quand les trois corps d’armée du général Von Witzleben ont attaqué le point faible de la ligne Maginot, la Trouée de la Sarre, défendue par un seul corps d’armée qui n’avait l’ordre de repli que pour le 15 juin. Au soir du 14, la Wehrmacht n’avait pas dépassé la ligne des avant postes, comptait 1200 tués et ne voyait de débouché nulle part pour le jour suivant. Ce jour là , le 15 juin , elle n’enfonçait qu’une porte ouverte. « Victoire ignorée » dit Mr Bruge. Et pourquoi ne parle t-on jamais de la ligne Maginot des Alpes, ou 120 000 défenseurs ont arrêté les 500 000 hommes de l’Armée Italienne, faisant de leur coup d’épée dans le dos une exhibition ridicule…
N’oublions pas la résistance des ouvrages, livrés à eux mêmes ( les troupes d’intervalle s’étant repliées , conformément aux ordres reçus ), repoussant tous les assauts en neutralisant 1 000 000 d’hommes en tenant tête jusqu’au 2 juillet 1940. La force de la ligne Maginot n’était pas une illusion. Le rôle qu’on lui assignait en mai 1940 aurait pu tenir en une phrase » Barrer la direction de l’Alsace – Lorraine face à l’Allemagne tandis que nous livrons une bataille d’arrêt en Belgique avec les forces de manœuvre ». On comptait sur la ligne Maginot pour n’avoir aucun souci sur le front du Nord Est et consacrer entièrement les forces mobiles à la campagne de Belgique , prévue et préparée. Rappelons nous l’ordre du jour du 10 mai 1940 : »Voila enfin la bataille que nous attendions ».
S’il y a eu illusion , ce n’est pas de notre coté ( celui des hommes de la fortification ) : Illusion la résistance Belge , illusion l’adaptation tardive des forces de manœuvre à la guerre éclair ou Blitzkrieg , illusion la maîtrise du ciel malgré le courage des pilotes et l’appoint de la RAF , Illusion la capacité d’un haut commandement âgé à mener une guerre moderne. Mais ceci n’est plus de notre ressort. La ligne Maginot a rendu le service qu’on lui demandait , même si c’est par la dissuasion, en étant un verrou solide. Comme je l’expose plus loin, on aurait pu lui en demander plus, sans beaucoup modifier sa structure, en ne lui confiant pas un simple rôle de barrage. Mais imaginons les réactions, le tollé, si l’on avait appris que le rôle de la ligne Maginot n’était pas uniquement défensif. ( Choix politique issu du manque de courage de nos politiciens, des alternoiements de notre état-major dés la fin de la seconde guerre mondiale, clairement énoncé dans la thèse de M. Jean-Louis GOBY – » Course au Rhin » ou « Garde au Rhin » ). C’est maintenant ce qu’il convient de voir quand on assimile « l’esprit Maginot » à un esprit de défense statique.
III – LIGNE MAGINOT ET DEFENSE STATIQUE
L’esprit Maginot, dit-on, c’est l’esprit de défensive purement statique : le barrage, ou tous les défenseurs sont sous le béton sans autre souci que de se claquemurer et de tirer tous azimuts. On ignore – ou on laisse ignorer – que pour 40 à 50 000 hommes sous béton depuis la frontière suisse jusqu’à la frontière belge, il y avait 400 000 hommes à l’extérieur, instruits aussi bien pour l’offensive que pour la défensive, soit une proportion de un sur dix. La ligne Maginot aurait pu être un tremplin aussi bien qu’un barrage, la ligne d’ouvrages se prêtant admirablement a être une base de départ en toute sécurité, une base logistique, un recueil…
Je m’empresse d’ajouter que la capacité offensive des troupes d’intervalle était fort limitée. Egrenées tout le long de la ligne, elles n’étaient prévues que pour des contre attaques locales à l’échelon bataillon ou régiment, en vue de rétablir l’intégrité de la ligne. Pour avoir une capacité offensive en profondeur, il aurait fallu qu’en tout ou partie elles soient motorisées, blindées, organisées en corps blindés, bref, de vraies troupes de manœuvre.
La répartition des effectifs s’y prêtait, pourquoi n’en était il pas ainsi ?
M. Bruge explique fort bien qu’au stade de la conception ou participaient Foch, Joffre, Pétain entre autres, deux tendances se sont manifestées, qu’il appelle « l’esprit Hotchkiss » et « l’esprit Vauban ».
Esprit Hotchkiss ? C’était le front continu de la guerre de 14-18, mais choisi en temps de paix pour ses qualités défensives, ses possibilités de champ de tir rasant, d’observation, d’obstacles, de camouflage, en même temps que l’on pouvait développer à loisir les moyens de vie et de protection pour les défenseurs.
Esprit Vauban ? Ce sont les forces de manœuvre qui emportent la décision au combat. Elles combattent à l’extérieur. La forteresse est pour elles un appui et une sécurité. Joffre mettait en garde contre l’illusion d’une forteresse imprenable, il écrivait : »La forteresse doit permettre au troupes de manœuvre de se rassembler en sécurité et, à partir de là, de courir à l’ennemi ». Esprit Vauban et ligne d’ouvrage correspondaient tout à fait à ce but. Pétain fournissait une grande partie du tracé de la ligne , remarquable d’un point de vue défensif. Entre les deux tendances, il n’y a jamais eu discussion, ni décision en faveur de l’une ou l’autre. En 1934, Joffre et Foch avaient disparu, et indiscutablement, c’est l’esprit Hotchkiss qui a triomphé, avec l’effort porté sur le béton et rien pour les troupes d’intervalle. Mais il est resté de l’esprit Vauban cette répartition des effectifs, un sous béton pour dix à l’extérieur. On peut rêver, 1934-35, c’était l’époque où Hitler commençait ses provocations et c’était celle aussi ou le colonel de Gaulle lançait l’idée de la guerre éclair avec un corps blindé de 100 000 hommes ( Idée que les Allemands s’empresseront d’appliquer avec le brio que l’on sait …) La ligne Maginot pouvait le fournir. Moins de gigantisme dans l’exécution de gros ouvrages et plus de réalisations comme celles du secteur fortifié de Faulquemont auraient permis d’avoir à la fois la forteresse et les chars.
Rêve impossible puisque même nos anciens alliés nous auraient taxé de provocation et d’agression ; mais non rêve sans consistance quant on voit, de 1934 à 1940, le nombre de fois ou la situation nous pressait de « faire quelque chose ».
En 1934, au moment ou Hitler réoccupait la rive gauche du Rhin, le général Giraud qui commandait à Metz proposait d’entrer en Allemagne , même sans corps blindé, et de s’installer à Mayence, suite logique de la déclaration Sarraut : « Nous ne tolérerons pas que Strasbourg […] « . On a préféré que cette déclaration reste une rodomontade.
Je me rappelle même le général Girault en 1938, faisant ses adieux au camp de Zimming après Munich en disant : » Si on avait fait ce que je proposais, nous entrions en Allemagne et le soir même je m’installais à Sarrebruck ». on a préféré les accords de Munich…
Rappelons nous septembre 1939. A la demande instante des Polonais, les troupes d’intervalle étaient détachées des ouvrages et sont rentrées en Allemagne – dans la forêt de Warndt devant mon secteur et à Sarrebruck. Elles ont progressé jusqu’à la Sarre derrière laquelle s’étendait la ligne Siegfried. Mais cette attaque improvisée, inattendue, menée avec des troupes à pied ne pouvait être qu’une démonstration. Si les mêmes troupes avaient été préparées et équipées avec l’esprit Vauban, au moins une partie de la ligne Siegfried aurait été détruite.
En mai 1940, équipées et organisées autrement, ces mêmes troupes d’intervalle auraient pu s’en prendre aux arrières des troupes allemandes aventurées en Belgique et ainsi avoir leur rôle dans la bataille de Belgique.
Bref, dans tous les cas ou la situation offrait un rôle aux troupes d’intervalle, c’était indépendamment des ouvrages. Il ne leur a manqué que l’équipement et l’organisation pour pouvoir le jouer.
N’abusons pas de l’Histoire-Fiction puisque rien de tel ne s’est passé, sauf en septembre 1939. Mais si j’insiste aussi lourdement, c’est pour montrer l’erreur que commettent ceux qui critiquent et s’en prennent à la conception même de la ligne Maginot. Développée, organisée selon l’esprit Vauban, elle répondait entièrement à ce que demandent aujourd’hui les critiques, à la lumière des événements passés. Ce n’est pas à la ligne Maginot que devraient s’adresser les reproches, mais à la mentalité qui régnait non seulement en France mais chez ses anciens alliés : » Surtout ne faisons rien qui puisse passer pour une provocation. Montrons l’exemple qui est dans le désarmement « . Ce que l’on devrait dire sur la ligne Maginot est simplement ceci : » Voila ce que deviennent les meilleures idées de défense lorsqu’elles sont tronquées, limitées au point de confondre l’emploi des moyens offensifs avec ’agression’. La ligne Maginot n’a été qu’un barrage parce que l’on la voulu ainsi »
C’est pourquoi les détracteurs devraient veiller à leurs paroles et aux conséquences qu’elles peuvent avoir.
Avec la meilleure conscience du monde, une de nos chaînes de télévision faisant une émission sur 1940, disait : « Quand aux soldats de la ligne Maginot, ils n’ont même pas combattu » …
Et l’on ne supprimait la phrase qu’avec surprise. On leur avait toujours dit …
Le 18 juin, un grand journal parisien publiait : » Que se passe t-il le 18 juin 1940. Pas grand chose… », expliquait-il sur plusieurs colonnes.
Non, vraiment ? Et pourquoi pas » rien du tout… »
Ce jour là, sur le canal de la Marne au Rhin, les troupes d’intervalle se heurtaient aux colonnes allemandes et si elles avaient compté leurs morts, rien que pour ce jour comme l’a fait plus tard M BRUGE , le chiffre aurait dépassé le millier… Mais les idées reçues ne l’admettent pas…
Il n’a jamais été dans l’idée des Anciens de la ligne Maginot de transformer une si grande défaite en une suite de hauts faits, mais je le répéterai une fois de plus – puisque je puis comparer – que les soldats de 40, ceux de la ligne Maginot, étaient les mêmes que ceux qui ont suivi et gagné ! Simplement , « Ceux de 40 ont été mal engagés ».
Aux morts du canal de la Marne au Rhin , il faut ajouter les 2000 tombes qu’on peut compter dans le seul département de la Moselle et les 750 morts de la trouée de la Sarre tombés le 14 juin 1940 dans ce que M. Bruge appelle : » Une victoire ignorée » , ainsi que tous ceux qui sont tombés dans les combats isolés et dispersés , tels ceux de la section de 23 hommes du 146éme à Domptail, massacrés par la Wehrmacht pour avoir combattu jusqu’à la dernière cartouche , et ceux de la casemate de Marckolsheim commandés par l’adjudant chef Guilbaut , lui qui écrivait dans sa dernière lettre à sa femme :
« Je ne voudrais pas connaître la défaite de la France. Si je devais ne pas revenir, tu apprendras à notre fille à aimer la France. Tu lui dira que ni son père ni ses camarades n’ont été des vaincus ».
Il n’est pas revenu , ni lui ni ses camarades.
Faut il rappeler les ouvrages réduits à eux-mêmes qui ont par deux fois refusé de se rendre, avant le combat et le jour de l’armistice et tenaient toujours tête 8 jours après.
Que reste -il de tout cela ?
« Il n’ont même pas combattu »
Voilà ce à quoi aboutit la désinformation, et voilà pourquoi les Anciens se doivent de réagir.
Décembre 1998
Général Albéric VAILLANT