Histoire du saillant de Cattenom

Le secteur fortifié de Thionville est la portion la plus importante et la plus puissante de l’ensemble de la ligne Maginot. Il s’étend des ouvrages de Rochonvillers à Billig, ce qui constitue une ligne de défense de plus de 25 kilomètres. Le secteur fortifié de Thionville avait pour mission de défendre le pays Thionvillois, ainsi que les importantes industries minières et sidérurgiques de la région. Au sein de ce puissant secteur fortifié se trouve le saillant de Cattenom.

Dès les premières réunions de la Commission de Défense des Frontières (CDF), le secteur fortifié de Thionville a fait l’objet d’âpres discussion concernant le saillant de Cattenom. En effet, le projet porté par le Maréchal Pétain établissait une ligne de fortification sur l’axe des ouvrages de Rochonvillers – Métrich. Cette ligne devait se situer dans l’actuel bois d’Elange, situé au Nord de Thionville. Le problème étant que les fortifications se trouvaient beaucoup trop proche de de Thionville, ce qui exposait les populations civiles ainsi que les différentes industries. Après plusieurs réunions de la CDF, la décision a été prise de déplacer cette ligne de fortification du bois d’Elange, au bois de Cattenom.

Cette nouvelle ligne de fortification devait être puissamment fortifiée compte tenu de sa position et de son importance stratégique. C’est ainsi qu’une première bretelle d’ouvrages a été conçue avec les ouvrages du Bois-Karre, du Kobenbusch, de l’Oberheide et du Galgenberg¹. Face aux réticences du Maréchal Pétain de la positon de Cattenom puisqu’elle forme un saillant, la CDF proposa d’établir une deuxième bretelle d’ouvrages, juste en arrière de la première afin de couvrir les endroits les plus exposés. C’est ainsi qu’une chambre de tir de l’ouvrage du Bois-Karre et que la casemate de tir du bloc 1 de l’ouvrage du Galgenberg ont été réalisé. Faute de temps et de moyens, ces deux organes sont les seuls à avoir vu le jour concernant la deuxième bretelle d’ouvrages. Le tout est complété par les casemates de Basse-Parthe et du Sonnenberg. Les travaux s’étalent pour l’ensemble de ces fortifications de 1931 à 1936.

Chaque ouvrage avait ensuite sa propre mission comme le Galgenberg qui devait, compte tenu de l’importance de son observatoire, verrouiller la vallée de la Moselle avec son voisin l’ouvrage de Métrich.

Vue depuis l’observatoire du Galgenberg (Crédits : Hugues Schibi)

En parallèle de la construction des ouvrages, les arrières de la position fortifiée sont aussi aménagés avec la construction d’un réseau routier et ferré pour l’accès et le ravitaillement des ouvrages. Une caserne est également construite pour accueillir l’ensemble des troupes de forteresse destinées à occuper les différents ouvrages, et il s’agit du camp de Cattenom qui est occupé dès avril 1933 par les premières troupes, issues du 168e Régiment d’Infanterie. Cette caserne devait accueillir un peu plus d’un millier d’hommes, et elle contenait tout le nécessaire à la vie des troupes de forteresse : chambrées, réfectoires, douches, stand de tir, etc…

En 1938 le camp de Cattenom accueillait la 10e batterie du 151e régiment d’artillerie de forteresse commandée par le capitaine Tixier, les 2e et 3e Compagnies d’Equipage d’Ouvrage respectivement commandées les capitaines de la Teysonnière et Bonnet, ainsi que les 4e et 5e Compagnies de Mitrailleurs commandées par les capitaines Ranger et Kérangueven du 168e régiment d’infanterie de forteresse. Il faut ajouter à cela plusieurs unités du génie issues des 2e, 15e et 18e régiments du génie.

Entrée du camp de Cattenom (Collection : Hugues Schibi)

A la déclaration de guerre de septembre 1939, les ouvrages sont déjà prêts à se battre face à une attaque brusquée de l’ennemi, suite à la pré-mobilisation du 23 août 1939. De septembre 1939 à mai 1940, l’activité du secteur fortifié de Thionville et du saillant de Cattenom est relativement calme. Les hommes fortifient leur position avec la constitution de tout un réseau de tranchées et de blockhaus M.O.M.².

L’aspirant E.Caspar et sa section de fusiliers voltigeurs issus de la 1e CEFV du 167e RIF en janvier 1940 au pied de la colline du Galgenberg (Collection : E.Caspar)

Tout change au 10 mai 1940 lorsque l’Allemagne attaque l’Europe de l’Ouest. Au début de l’offensive, les ouvrages du saillant de Cattenom n’entrent pas en action, mais la situation va se dégrader qu’à partir du 15 mai 1940 où l’artillerie de l’ouvrage du Galgenberg entre pour la première fois en action face à des troupes Allemandes venant du Luxembourg. De cette date jusqu’au 13 juin 1940, les ouvrages sont régulièrement bombardés par l’artillerie Allemande. Près de 10 000 obus tombent sur l’ensemble de la forêt de Cattenom en un mois. Plusieurs fusillades ont également lieu entre l’infanterie Française et les patrouilles Allemandes.

A partir du 14 juin 1940, lorsque les troupes d’intervalle quittent le saillant de Cattenom pour se replier en direction du Sud, les ouvrages restent seuls sur la position. La fortification étant isolée, les troupes Allemandes vont en profiter pour resserrer chaque jour leur étau. Les casemates de Basse-Parthe sont régulièrement attaquées par l’infanterie Allemande, et les casemates doivent leur salut à l’artillerie de l’ouvrage du Galgenberg qui intervient pour les protéger à plusieurs reprises. L’ouvrage de l’Oberheide se trouvant à la pointe de la forêt de Cattenom et étant donc facilement atteignable par de petits commandos Allemands, est quotidiennement approché par l’ennemi. Les mitrailleuses de l’ouvrage jumelé à l’artillerie des ouvrages du Kobenbusch, du Galgenberg et de Métrich parvient à les repousser facilement.

Le 25 juin 1940 lorsque l’armistice entre en vigueur entre la France et l’Allemagne, les ouvrages du secteur fortifié de Thionville tiennent toujours. Il faut attendre le 30 juin 1940 pour que les ouvrages de la rive gauche de la Moselle déposent les armes et livrent les ouvrages intacts aux autorités Allemandes, conformément aux accords Charnal³. Les troupes de forteresse sont constituées prisonniers et partent pour la majorité dans les divers camps de prisonniers en Allemagne. Les ouvrages quant à eux sont occupés par les Allemands, qui en profitent pour développer du tourisme militaire.

L’entrée des munitions de l’ouvrage du Kobenbusch sert désormais de cadre photo aux troupes allemandes au cours de l’été 1940 (Collection : Hugues Schibi)

Dès la fin du conflit en 1945, les autorités militaires françaises reprennent en main les ouvrages pour les remettre en service. Ils sont entretenus et occupés jusque dans les années 1960 avant de tomber dans l’abandon et l’oubli. Depuis plus de 40 ans maintenant, l’association ligne Maginot de Cattenom et Environs a pu reprendre une partie de ces ouvrages afin de les sauvegarder et les sortir de l’oubli.

¹ Pour plus d’informations concernant ces ouvrages, voir l’onglet « ouvrages » du site.

² Les blockhaus de la Main d’Oeuvre Militaire sont des blocs de béton pouvant accueillir une poignée de soldats ainsi qu’une mitrailleuse Hotchkiss de 8mm, ou un canon anti-char de 25mm.

³ Les accords Charnal sont les conditions de reddition des ouvrages de la rive gauche de la Moselle entre le chef de bataillon Charnal commandant le Kobenbusch, et les autorités Allemandes représentées par le général Von Dippold.